Extrait de « Médecins, devenez Guérisseurs »

Crédit photos: © Jean-Paul DUCHENE

 Vlady Stévanovitch : Extrait de « Médecins, devenez Guérisseurs », 1987.

(…) Par où commencer ? Les facteurs de vie et de santé sont nombreux et nous allons les étudier un à un. Il nous faut choisir un ordre pour le faire. Ordre alphabétique ? Ordre d’importance ? Pour une fois le choix est facile: les deux ordres coïncident comme par hasard.

 Commençons donc par la lettre "A". Le premier facteur de toute vie, la condition première de la santé c’est, vous l’avez deviné, c’est .... l’Alimentation? Oh non! Ce n’est pas l’alimentation. C’est l’Amour. C’est le facteur sans lequel la vie ne serait qu’un processus chimique. C’est ce qui fait que l’esprit n’est pas une machine à produire des équations et des syllogismes. Ne vous attendez donc pas à ce que je consacre un chapitre de mon livre à l’amour. Un chapitre ne suffirait pas. C’est tout le livre que je lui consacre.

Nous voulons parler de la santé, autrement dit de la vie. Comment pourrions-nous le faire sans parler de l’amour ? Être médecin ou être guérisseur, dans les deux cas c’est être quelqu’un qui se consacre aux autres. Comment pourrait-il le faire sans amour ?

Oh, je sais, on croit souvent que c’est pour de l’argent, ou par obligation professionnelle, ou par devoir, ou pour l’honneur. Ce n’est qu’une apparence. Il y a une réalité profonde au-delà des apparences, au-delà de ce que la conscience peut détecter. Dans cette réalité là, la vie est solidaire de la vie, la vie aime la vie. C’est là que se trouve la source de l’amour. C’est dans cette couche de la réalité aussi que la vie prend sa source. Au départ c’est un seul et même jaillissement.

Essayons de comprendre. On peut dire, en simplifiant à l’extrême, que l’homme prend connaissance de la réalité grâce à son système de perception et de cognition. Mais l’homme est lui-même une réalité. Qu’en est-il de la connaissance qu’il en a ? 

La réalité humaine se présente à la connaissance sous divers aspects. C’est d’abord sous l’aspect d’une description. C’est la réalité verbale, la réalité proprement humaine et peut-être même exclusivement humaine. L’homme est capable de prendre connaissance des choses et des événements sans le secours de ses cinq sens et aussi de transmettre à autrui cette connaissance grâce au langage. C’est ainsi qu’il crée une réalité verbale. Dans cette réalité, il est lui-même ce qu’est le langage dont il se sert pour se présenter et pour communiquer avec les autres. Il est évident que la vie ne prend pas sa source dans cette réalité-là.

La réalité humaine se présente aussi sous un autre aspect. C’est celui du corps. Le corps a certaines particularités par lesquelles on distingue un être humain de tous les autres êtres. Le corps se comporte comme une unité fermée, une unité de vie. Le corps est vivant mais il n’est pas la source de vie. A l’intérieur du corps, la réalité humaine se présente sous un autre aspect encore. Cet aspect est celui d’une intense et incessante activité. C’est le travail des organes, c’est un fonctionnement. Il est le fait de la vie. Il n’en est pas la source.

Nous avons pénétré dans les tréfonds de la réalité humaine en traversant successivement trois couches de cette réalité. Pénétrons dans la quatrième. Nous savons que l’homme est constitué de plus de 80% de liquide. La science nous dit que c’est le milieu indispensable à la vie. Soit. C’est le milieu, mais ce n’est toujours pas la vie.

Pour atteindre la source de la vie il nous faut faire encore un pas dans les profondeurs de la réalité humaine. Il nous faut pénétrer dans la cinquième couche de la réalité. C’est la réalité de la force vitale. C’est la réalité de cette force qui agit, qui est à l'œuvre depuis la fécondation jusqu’à la mort. C’est elle qui construit le corps, qui le renouvelle, le répare et l’entretient. C’est elle qui le défend contre la mort.

L’action de cette force n’est pas réductible à un processus chimique ou physique ou mécanique. Essayez donc de faire une injection de Tripiscorinopondiline ou de lipocreptolicine dextrale dans un cadavre. Ou de lui faire des massages ou des électro-chocs ou des shiatsus. Sans la force vitale il n’y aura aucune réaction. Elle est irremplaçable. Toute intervention thérapeutique ne fait qu’aider, stimuler ou orienter cette force. Le travail thérapeutique, c’est elle qui le fait. Cette force, c’est la vie même. A la source, elle se confond avec l’amour. Les histoires d’argent, d’obligations, de devoir, d’honneur ne sont qu’une apparence extérieure. Ce n’est qu’un revêtement bien mince, mais, hélas, suffisant pour nous cacher la réalité de l’amour et de la vie.

Vous êtes médecins. Vous avez donc choisi de consacrer votre vie aux autres. De les soigner. De vous occuper d’eux. Mais qu’est ce que ça veut dire: "s’occuper des autres"? 

Si nous devons nous occuper des autres, c’est que les autres ont besoin qu’on s’occupe d’eux. Mais qu’est ce qu’un autre? C’est d’abord quelqu’un qui parle, qui parle, qui parle, qui parle, qui parle, qui parle. C’est quelqu’un qui parle beaucoup. C’est ensuite quelqu’un qui respire, qui mange, qui boit, qui dort ,qui se réveille. C’est quelqu’un qui a deux bras et deux jambes, une tête et un corps et cinq sens. En un mot, c’est moi.

Mais oui! Toute cette description s’applique très exactement à moi-même. L’autre c’est un moi. Ce qui nous distingue c’est l’impression que moi, j’ai mon moi à moi et que lui a son moi à lui. S’occuper d’un autre c’est donc s’occuper d’un moi qui n’est pas mon moi à moi.

Que de moi, que de moi! C’est que tout le problème est là: nous sommes tous des moi. Si chaque moi a besoin qu’on s’en occupe et que moi je dois m’occuper des moi des autres, qui va s’occuper de mon moi à moi ? Quelqu’un d’autre? C’est bien compliqué tout ça! Ça m’a tout l’air d’un imbroglio inextricable. Ne serait-ce pas infiniment plus simple si chacun s’occupait de son moi à soi ?

Bien sûr, bien sûr, mais quand ça ne va pas, quand l’autre ne s’en sort pas tout seul, quand il a besoin d’aide. Qu’est ce qui ne va pas exactement ? Voyons ça d’un peu plus près. Voyons qu’est-ce qu’il y a exactement derrière ces mots dont on se sert si facilement sans jamais se poser de questions à leur sujet.

Aider les autres. Bien. De quoi souffrent-ils en réalité ? Ils souffrent de leur corps. C’est ça la vérité qu’on dissimule derrière des mots enjoliveurs tels que: souffrance morale, angoisse existentielle, chagrin, nostalgie, peine, tristesse, mélancolie. Ce sont des mots qu’on devrait lire en clé de corps, comme on lit des notes de musique en clé de Fa. Comme en musique ça donnerait des notes basses. Bien basses! Ça donnerait : obésité, alcoolisme, tabagisme, raideurs, tensions, constipation, diarrhées, ulcères, rhumatismes.

Il devient évident alors qu’on ne peut pas faire grand chose pour aider les autres. Qu’ils doivent s’aider eux mêmes. Arrêter de boire, arrêter de fumer, arrêter de s'empiffrer, arrêter de courir après des chimères, arrêter d’accumuler des biens dont on n’a nul besoin, arrêter de revendiquer, arrêter, arrêter, arrêter tout. S’occuper soi-même de sa santé. Rien n’est plus important et c’est une occupation full-time. Il suffit encore d’y trouver du plaisir pour que la vie soit paradisiaque. Et le plaisir on le trouve facilement quand on retrouve la santé. Quand on retrouve la vie, quand on l’empoigne à pleines mains, quand on l’aspire à pleins poumons, quand on la vit à plein corps. Vous avez compris ce que je veux dire: quand on retrouve l’amour.

Comment ça l’amour ? Mais tout simplement ! Comme le courant électrique passe lorsque les fils sont libérés de leurs isolants, l’amour est un courant qui passe naturellement entre les humains lorsqu’ils sont dénudés de leur orgueil, de leurs ambitions, du besoin d’accaparer, d’accumuler, de conserver, de revendiquer. Ce sont là des isolants contre l’amour. Ils fondent quand on a retrouvé la vie. Ils fondent et le courant passe. L’amour éclaire la vie. Comme un phare, il éclaire plus fort les plus proches et comme un phare dans la nuit on le voit de très loin, même si on n’en est pas éclairé. Il suffit de s’approcher.

Il n’y a qu’une façon d’aider les autres: c’est être le phare qui les éclaire d’amour mais aussi qui les guide. Et surtout être l’exemple de bonheur, de santé, de joie. Rien ne sert de parler. Il faut montrer.

C’est à vous que je m’adresse, médecins. Montrez nous, donnez-nous l’exemple. Soyez une caste privilégiée, non pas par l’argent et les honneurs mais par le bien-être et la santé dont vous devriez être les apôtres et les exhibeurs. Soyez des hommes auxquels on voudrait ressembler, auxquels on voudrait s’identifier. Soyez forts et puissants, mais puissants de vie.

La santé, c’est votre métier, vous en avez le secret. Je voudrais que ça se voie. Je voudrais qu’on vous distingue dans la foule comme on distingue une Ferrari dans un embouteillage. Je voudrais qu’on vous reconnaisse dans la rue à votre allure, qu’on se retourne sur votre passage, qu’on dise : "Voici un médecin qui passe. Il a un corps splendide, il rayonne de santé et de bien-être. C’est un homme qui sait. Il a le secret de la vie heureuse." (…)

…………………………………………………………………………………………………

(…) Je serais peut-être devenu, moi aussi, le guérisseur des grands de ce monde. J’aurais commencé à vendre du Chi en boîtes. J’aurais fini par monter des usines de produits de beauté contenant du Chi authentique, récolté chez les plus grands gourous, inaccessibles aux non-initiés. Des chaînes de magasins Chibiotiques mais pas Stévanovitch. J’aurais troqué mon nom pour quelque chose de plus commercial. "Boris Fésségué" par exemple. Et j’aurais pu moi aussi faire la couverture des grands hebdomadaires. Ils auraient publié ma photo, debout, la main droite négligemment posée sur l’aile de ma Rolls blanche.

J’ai fait un autre choix. Sans regrets. Je ne soigne plus personne. Depuis plusieurs années. Je le signale d’abord à l’attention de ceux qui pourraient bien vouloir me chercher des poux. J’enseigne le Tai ji quan, j’écris et je vends des livres. Je ne soigne plus personne. Je le répète à l’attention de ceux qui pourraient vouloir me consulter. J’enseigne l’art du Chi. De préférence aux médecins. Je ne soigne pas. (…)

 

Extrait de « Médecins, devenez Guérisseurs », Vlady Stévanovitch, 1987.


Cette image représente le logo de Jean-Paul Duchene

© 2019-2020. Tous droits réservés - Conception GéoReflet